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Téléchargement - Krumpholtz Jean-Baptiste - Deux sonates (Sylvain Blassel)
pour harpe seule
(oeuvre imposée pour la deuxième épreuve senior du concours Lily Laskine 2014)
Version téléchargeable en fichier PDF
- Sonate comme scène dans le style pathétique Op. 14 N° 1
- Sonate composée principalement pour la harpe à renforcement Op. 14 N° 2
- Tempo di minuetto : Morceau détaché pour la harpe seule et comme pour difficulté pour le jeu des pédales
Edition originale (URTEXT)
Le harpiste tchèque Jan Křtitel Krumpholtz naît le 5 août 1747 à Zlonitz, non loin de Prague, d’une famille de musiciens au service des comtes Kinský de Bohème. Sa mère joue de la harpe, et son père du cor. En 1761, il rencontre le harpiste Hofbrucker lors d’un voyage à Paris, mais ne s’intéresse vraiment à la harpe que vers 1771, à son retour à Prague. Il se forme alors à la composition auprès de Georg Christoph Wagenseil. Vers 1773, Joseph Haydn l’aide ponctuellement dans ses compositions, et lui offre la place de harpiste dans son orchestre à la cour des Esterhazy.
En 1776, encouragé par Haydn, Krumpholtz entreprend une tournée européenne qui le mène à Leipzig où il joue sur une harpe organisée, puis à Metz, où il travaille six mois avec le luthier Christian Steckler dont la fille Anne-Marie devient sa protégée.
Il s’installe définitivement à Paris en 1777 et épouse la fille d'un facteur de harpes, Marguerite Gilbert, qui meurt en couches en janvier 1783. Il retrouve finalement son élève Anne-Marie Steckler, qu’il épouse le mois suivant, et adopte alors le prénom de Jean-Baptiste — ils auront trois enfants.
À partir de 1788, Anne-Marie emménage à Londres avec son amant, le brillant pianiste et compositeur Jan Ladislav Dussek. Rongé par la jalousie et le désespoir, sous le tumulte de la révolution française, Krumpholtz se jette dans la Seine depuis le Pont Neuf le 19 février 1790.
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Comme harpiste, Krumpholtz n’a cessé de repousser les limites de son instrument et d’exploiter au maximum tout le potentiel expressif de la harpe. La mécanique à simple mouvement ne permettant pas autant d’aisance que le futur double mouvement, Krumpholtz était déjà un pionnier dans l’exploitation de l’enharmonie. Toutes pédales relevées, la harpe était accordée le plus souvent en mib majeur — parfois en lab ou sib majeur. Dans la première sonate op.14, elle peut être soit en lab majeur, soit dans le ton plus rare de réb majeur. Dans les deux cas, le mib mineur de l’introduction demande une grande aisance avec les enharmonies, ce qui n’était pas si fréquent en 1787.
Le facteur de harpes François-Henri Naderman (père du harpiste Fançois-Joseph) a réalisé différentes innovations que Krumpholtz a conçues lui-même. La plus connue est la pédale de renforcement, dès 1785. Une huitième pédale, placée au milieu, actionne des volets qui ouvrent la caisse de résonance, et renforce ainsi le son. Jusqu’ici complètement fermées, la plupart des harpes ont été depuis presque systématiquement équipées de cette pédale de renforcement. Quelques décennies plus tard, ce dispositif sera retiré, laissant la caisse ouverte comme sur nos harpes modernes.
La pédale de sourdine est une autre innovation que Krumpholtz apporta à la harpe. Comparable au jeu de luth du clavecin, une neuvième pédale, placée sur le coté de la harpe, actionnait un étouffoir (en buffle dans le grave, et en soie dans le medium et l'aigu) entre les cordes, au niveau du chevalet. Malheureusement, ce type de sourdine n’a connu qu’un succès limité, et ne perdurera pas.
Parmi les rares exemplaires à sourdine et renforcement encore conservés aujourd’hui, citons la harpe Naderman de 1787 du musée de la musique à Paris (E.2002.13.3) sur laquelle est notée à l'encre sur le bord inférieur de la console, côté crochets : harpes inventé par Le Sieur Krumpholtz et executer par le Sr JH. Naderman Luthier Ordinaire De La Reine. Rue d'argenteuille Butte St. Roch a paris.
La deuxième sonate op.14 publiée ici est composée spécialement pour cette harpe munie de ces deux nouvelles options, le renforcement et la sourdine.
Enfin, Krumpholtz n’est pas seulement l’inventeur des sons harmoniques, mais aussi du glissé de pédale, que l’on a attribue souvent à tort à André Caplet (divertissement à l’Espagnole), en… 1924.
Bien que modeste au premier abord, le petit morceau sans autre titre que l’indication tempo di minuetto, op.14, rend compte, une nouvelle fois, du souci de Krumpholtz d’étendre le potentiel expressif de la harpe : il n’existe pas, avant cet ouvrage, une autre partition exploitant le glissé de pédale comme effet d’appoggiature.