Plé Bertrand - Kúmá (pour harpe et quatuor de contrebasses)
Pour harpe et quatujor de contrebasses
A Lucie Berthomier
Kúmá signifie « parole » en malinké. Le titre de cette pièce au poème très ancien relevé par Sory Camara, en 1982. Au début de mon travail, une question s’est naturellement posée au fil de mes réflexions : Comment le poème peut-il inspirer ma propre composition musicale ? Sur un plan structurel, la corrélation entre le texte et la musique est indubitable : tout comme dans l’œuvre littéraire, la pièce musicale contient une forme bipartite, un système de refrain dans la première partie et une seconde partie divisée en deux. L’attaque puissante et assourdissante de la harpe dans l’extrême grave de l’instrument fait écho à la formule d’accroche du poème « La parole c’est un monde ». Cette formule introductive spectaculaire pour capter l’attention de l’auditoire est une caractéristique fondamentale du conte africain.
La musique n’a cependant pas pour vocation de souligner ou mettre en lumière des éléments du texte en dehors de sa structure. Cette œuvre philosophique ne comporte pas d’éléments spatio-temporels, ce qui ne correspond pas avec la commande initiale de la dédicataire, la harpiste Lucie Berthomier : une pièce inspirée par la Kora et les traditions musicales maliennes. Malgré l’abstraction immanente de la musique, j’ai souhaité à l’inverse du poème intégrer un cadre géographique au propos musical. Tout d’abord, avec la conception de « paysages acoustiques » africains contrastés : dense, humide, résonant pour évoquer l'épaisseur des sylves équatoriales et sec, épars et erratique pour évoquer les savanes désertiques. Ensuite, par l’instrumentation « africanisée » : jeux de mirlitons et mode de jeux apportant des éléments bruitistes, de la saturation ou le déploiement du spectre harmonique en référence à l’animisme. Et enfin, par la constitution de « méta-instruments » imitant l’organologie africaine (par ordre d’apparition dans la pièce) : Trompes, Arc-en-bouche, Kora, Tambours et Pleureuses.
D’un caractère éminemment rhapsodique, Kúmá s’inspire de ces Paroles très anciennes ; elles ont été pour moi un parfait point de départ à une évocation personnelle de l’Afrique : une vision onirique, fictive, amoureuse, emprunte d’exotisme, observée par le filtre déformant de ma position d’étranger.